L'homosexualité
Ce n'est que depuis
quelques années que l'homosexualité est sortie de l'ombre et ce
n'est que très récemment qu'elle bénéficie d'une
véritable dépénalisation.
Jusque-là, en effet, et presque de tous temps, les "sodomis"
ont été poursuivis devant les tribunaux.
Bien avant Oscar Wilde, qui reste le "pédérastre" embastillé
le plus céléble de l'histoire, Léonard de Vinci, en 1476,
a été emprisonné pour sodomie pendant deux mois avant d'être
relaxé.
En France, Charles Quint, qui fut d'ailleurs l'artisant d'une mise au pas générale
des moeurs par le droit, donna par ordennance une première grande impulsion
à la répression des homosexuels en leur promettant systématiquement
le bûcher. Nicolas Ferry, en 1540, eut donc la chance d'être seulement
condamné à être brûlé, ses cendres jetées
au vent et ses biens confisqués pour le cas où il ne confesserait
pas son crime de pédéraste. Les jusges, déments, précisèrent
en effet que, s'il avouait, il ne serait que battu et fustigé à
trois jours de marché différents, la corde au sol, puis banni
du royaume à perpétuité et ses biens confisqués.
Le procès de Jacques Chausson, qui eu lieu en 1661, reste un des plus
fameux de l'Ancien Régime. La relation judiciaire des faits est étonnante
: "Cejourd'huy vendredy, vingt neuvième jour
du mois d'aoust, est comparu pardevant nous un quidam vetu de drap couleur canelle,
lequel nous a declaré qu'il venoit pour obéir à notre ordonnance
en datte du jour d'hier, lequel quidam nous aurions questionné et interrogé
en la maniere et façon qui s'ensuit :
Interrogé quel nom il avoir, a repondu etre nommé et appelé
Octave Jullien Des Valons, Ecuyer, fils de Germain Des Valons, Ecuyer, sieur
de Duchesne, et de deffunte Louise Angelique Du Vesnien, sa femme.
Intérrogé quel age il avoir, a rependu qu'il avoir eu dix sept
ans le dix huitiele jour de mars passé.
Interrogé quel etoit le sujet de la dispute qu'il avoir eu, le mardy
douzieme d'aoust dernier, avec les nommez Jacques Chausson et Jacques Paulmier,
dans un second appartement d'une maison située rue Saint Antoine, aupres
de la vieille rue du Temple, occupée par ledit Chausson ; a repondu que,
connoissant ledit Chausson, et ayant été mené chez luy
par un jeune homme appelé Le Sueur, il etoit enfin venu chez luy ledit
jour douze aoust, et que ledit Paulmier avoir dit audit Chausson en parlant
de luy Des Valons : "Voilà un joly blondin !" surquoy ledit
Chausson avoir repondu : "Je le croys assez joly garçon pour vous
offrir ses services" ; que luy Des Valons ayant repliqué qu'il souhaitteroit
etre propre à quelque chose, ledit Chausson avoir pris la parole, et
dit que le service qu'on lui demandoit ne luy couteroit rien, et que ledit sieur
Paulmier etoit de son coté assez obligeant pour luy en rendre de pareils
lorsqu'il voudroit ; que luy Des Valons, ayant eu le malheur de temoigner qu'il
ne demandoit pas mieux que d'effectuer de sa part l'envie qu'il avoir d'obliger
ledit Paulmier, ledit Chausson s'etoit avancé, et l'ayant embrassé
luy avoit deffait en meme tems le bouton de sa culotte, et ensuite ledit Paulmier
s'etoit mis en devoir de le connoitre charnellement, et de commettre avec luy
le crime de sodomie, ce qu'ayant senty, il s'etoit mis à crier, et etoit
debattu, ensorte qu'une vieille femme, travaillant à la journée
chez le sieur Petit, Marchand de bas, principal de laditte maison, etoit accourue".
A l'issue de son procès, Jacques Chausson fut attaché à
un poteau par son bourreau, qui lui coupa la langue avant de le brûler
vif. Ses cendres furent bien entendu jetées dans la Seine et ses biens
confisqués.
A la même époque, les nobles convaincus de sodomie bénéficaient
d'un régime de faveur : ils étaient secrètement - c'est-à-dire
hors de la vue du public - étranglés.
Le siècle des Lumières se fit bien sûr plus tolérant,
et seuls six homosexuels furent brûlés entre 1700 et 1789 - un
seul d'entre eux ayant "fauté" par sodomie. Sous la Révolution,
les homosexuels ne furent plus poursuivis en tant que tels.
C'est le régime de Vichy qui a réintroduit la répression
pénale contre l'auteur d' "un ou plusieurs acte impudique ou contre
nature avec un mineur de son son sexe âgé de moins de vingt et
un ans". La loi n'ayant jamais donné de précision sur l'âge
du coupable - devait-il avoir nécessairement plus de vingt et un ans
. -, les tribunaux supposèrent que ce texte était applicable également
aux rapports entre mineurs. D'où il s'ensuivit que tout rapport homosexuel
devient illicite.
Par la suite, la majorité sexuelle, fixée implicitement par ces
disposition qui concernent au premier chef les attentats à la pudeur,
descendit à dix-huit ans pour les homosexuels et à quinze ans
pour les hétérosexuels.
On arriva très vite, devant les tribunaux, à des raisonnements
ubesques afin de déterminer si le sexe masculin d'un des prévenus
ne pouvait être malgré tout requalifié de féminin
en raison de ses tendances plus que marquées et, ce faisant, faire bénéficier
le couple du régime des hétérosexuels. En atteste cet extrait
d'un jugement du tribunal de grande instance de la Seine, de 1964 : "Lorsque
deux individus mineurs sont poursuivis pour s'être livrés ensemble
à des actes impudiques et contre nature, la prédominance, chez
l'un deux, de goûts et de tendances féminines, même admise
par les experts, ne peut-être considérée comme nature à
faire disparaître l'intention coupable chez l'un et l'autre des participants.
Ces altération de caractéristiques psychologiques du sexe masculin
ne suffisent pas en effet à conférer au sujet le sexe féminin,
ni même à faire admettre que lui-même ait pu par erreur se
considérer comme une femme, alors que physiologiquement il est doté
d'attributs sexuels masculins normaux et ne présente, du sexe féminin,
que quelques caractères très secondaires et que, bien plus, il
était directement redevable à ces organes sexuels masculins du
plaisir qu'il recherchait dans ses relations anormales avec son partenaire."
L'hermaphrodisme fut
cependant considéré avec une certaine bienveillance par les juges,
qui accordaient aux prévenu un véritable bénéfice
du doute. Ils considéraient en ce cas avoir affaire à un couple
hétérosexuel en "presque" bonne et due forme.
Par ailleurs, le délit d'outrage public à la pudeur visait spécifiquement
les rapports entre individus du même sexe. Quand au viol d'un homme, il
n'était pas réprimé comme viol, mais comme attentat à
la pudeur, et donc comme un simple délit aux lieu et place d'un crime.
Une ordonnance prise en 1949 par le préfet de Paris interdit même
aux hommes de danser ensemble.
François Mitterrand annonça pendant
sa campagne : "L'homosexualité doit cesser
d'être un délit. Je n'accepte pas que les atteintes à la
pudeur homosexuelle soient traitées avec plus de sévérité
que les autres." Et, de fait, Gaston Defferre,
nouveau ministre de l'Intérieur, rédigea dès le 11 juin
1981 une note à l'intention du directeur général de la
police nationale : " Aucune suspicion ne saurait
peser sur des personnes en fonction de leur seul orientation sexuelle."
Le fichier recensant les homosexuels disparut donc. Le
lendemain, la France décide même de ne plus suivre le classement
de l'Organisation mondiale de la santé, qui range l'homosexualité
parmi les maladies mentales.
Une pléade de dispositions législatives suivit ces louables intentions.
Une loi de 1982 prévoit ainsi que les locataires ne sont plus obligés
de disposer des locaux loués en "bons pères de famille".
Une autre loi de la même année dépénalise l'homosexualité
en abrogeant les ajouts pétainistes au délit d'attentat à
la pudeur. La majorité sexuelle fut donc établie à quinze
ans et ce quelle que soit la composition du couple en cause.
Une loi de 1985 sanctionne le refus d'embauche ou le licenciement
en raison des moeurs. La même loi punit de peines allant jusqu'à
deux ans d'emprisonnement "tout dépositaire de l'autorité
publique ou citoyen chargé d'un ministère de service public qui
(à raison des moeurs d'une personne) lui aura refusé sciemment
le bénéfice d'un droit auquel elle pouvait prétendre".
Le refus de fournir un bien ou un service en raison des moeurs est également
visé. Toutes ces dispositions figurent en outre dans le Code pénal.
Le Code du travail dispose, depuis 1986, que le règlement
intérieur d'une entreprise ne peut prévoir de discriminations
fondées sur les moeurs.
Deux arrêts de 1989 de la Cour de cassation empêchaient cependant
les couple homosexuels de bénéficier des avantages des couples
hétérosexuels vivant en unions libre. La juridiction suprême
considère en effet que le concubinage ne s'applique que dans les cas
où il peut y avoir mariage, c'est-à-dire entre individus de sexes
différents. L'une de ces affaires concernait un steward d'Air France
qui demandait à faire bénéficier son compagnon des tarifs
préférentiels que la compagnie réserce à ses employés
et à leurs concubins. La Cour de cassation a récidivé,
en 1997, en estimant que le concubinage ne peut résulter que d'une relation
stable et continue ayant l'apparence du mariage, donc entre un homme et une
femme...
En 1995, une décision du tribunal correctionnel de Belfort a bouleversé
cet état de fait en condamnant un assureur à verser à une
lesbienne des indemnités pour la mort accidentelle de son amie.
De même, dans certaines mairies, des certificats
de concubinage ont été peu à peu délivrés
aux couples homosexuels.
Une proposition de résolution du Parlement européen a été
adoptée en 1993 sur les "droits civils des homosexuels des deux
sexes" et invite les Etats : "- à mettre en oeuvre des dispositions
contre les licenciements abusifs et le harcèlement sur le lieu de travail
et dans l'armée ;
- à reconnaître des droits aux couples homosexuels, au même
titre qu'aux couples mariés et notamment en matière de droits
migratoires."
A ce titre, plusieurs propositions de lois concurrentes ont été
déposées devant les assemblées pour instaurer une sorte
de "contrat d'union civile" - pour reprendre la terminologie de l'une
d'entre elles.
Une longue bataille parlementaire et médiatique s'est ensuivie, qui a
abouti, le 15 novembre 1999, à l'adoption de la lmoi sur le pacte civil
de solidarité, dit aussi "Pacs". Les juridictions ont déjà
commencé de statuer sur les incidences de ce nouveau texte, qui a révolutiooé
le Code civil.
Le Pacs suscite déjà des projets de réforme, permettant
notamment l'accès à l'adoption. Les réactionnaires de tous
poils se sont immédiatement alliés contre cette logique évolution.
Seul le vote d'un nouveau texte ouvrira cette voie, la justice semblant plus
que réticente à s'y engager. Elle a cependant accordé un
droit de visite à l'ancienne compagne d'une mère de deux fillettes.
De par le monde, la situation
législative de l'homosexualité demeure extrêmement contrastée.
Fin 2000, les Pays-bas ont légalisé le mariage homosexuel (1).
Mais, en 2001, la Cour de justice des Communautés européennes
a refusé à un couple homosexuel le bénéfice des
textes sur le statut des fonctionnaires des Communautés européennes.
Quand à nombre d'Etats en voie de développement, l'homosexualité
y reste un crime lourdement sanctionné. En témoigne le procès
collectif d'homosexuels égyptiens qui, en 2001, a soulevé l'indignation
des pays occidentaux ou encore, en 2002, la condamnation à mort par décapitation
de trois hommes en Arabie Saoudite.
En France, parallèlement
au Pacs, de petits pas sont accomplis par le législateur : en
1993, il a modifié la définition du couple dans les disposition
du Code de la sécurité sociale ; en 2001, la loi relative à
la lutte contre les discriminations vise les "moeurs" et "l'orientation
sexuelle" etc. En 1999 sont apparues des propositions concrètes
visant à réprimer pénalement l'homophobie, au même
titre que les options racistes.
L'homosexualité reste par ailleurs une cause de divorce pour faute, mais
seulement si elle n'est découverte par la partie lésée
qu"après le mariage !
Enfin, l'homosexualité a pu avoir une influence
sur le droit des successions. En témoigne cette observation de
Krafft-Ebing qui fait aujourd'hui sourire :
"M. X..., célibataire, ayant de la fortune, avait légué
dans son testament une assez grosse somme à l'un de ses amis intimes,
avec qui il entretenait des relations sexuelles et qu'il aimait beaucoup. La
famille chercha à attaquer ce testament car elle connaissait l'activité
homosexuelle du testateur. On chercha surtout à utiliser, pour apporter
la preuve de son incapacité, certaines obsessions de X... avait à
côté de sa perversion, cela d'autant plus qu'il avait fini par
le suicide. Sur la demande du tribunal, je fournis en son temps un rapport d'expertise,
dans lequel j'ai admis, avec une certaine vraisemblance, un trouble morbide
de l'activité mentale et l'absence, en résultant, de la libre
détermination de la volonté ; mais, en même temps, j'ai
fait ressortir que le dossier n'était pas suffisant pour pouvoir affirmer
l'existence d'un tel trouble morbide avec une sûreté confinant
à la certitude. Le testament en question avait été établi
quelque jours avant la mort, et on constata que le testateur précisément
dans les derniers jours de sa vie, avait pris des dispositions raisonnables,
de sorte qu'il manquait une preuve convaincante de l'incapacité."
(1) Note de Maitre G : Ici l'auteur a commit une petite erreur puisque le mariage est légaliser depuis 1975 en Hollande. En fin d'année de 1998 l'adoption d'un enfant par un couple homosexuel, des deux sexes, fut enfin légalisé. Le seul droits qui lui était jusqu'ici refuser en Hollande. Je parle en connaissance de cause puisque je suis Néerlandais et que je fus marier et divorcer.)
© Ce texte a été tirer du livre Le Sexe et la loi, d'Emmanuel Pierrat, Edition La Musardine.
(Copyright ExtrêmeSM)
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